Assurance loyer impayé

Ce que dit vraiment le rapport Nogal

Quand on est propriétaire bailleur ou professionnel de la gestion locative immobilière, difficile depuis quelques jours d’échapper au « rapport Nogal », Louer en confiance (à lire ici). « Le rapport Nogal inquiète les propriétaires et les locataires », « Le rapport choc du député Nogal », « Le rapport Nogal, fausse bonne nouvelle pour les locataires »… Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’y a pas grand monde pour penser que ce rapport permettra d’instaurer des mesure pour améliorer les relations entre propriétaires et locataires. Quelles sont les pistes évoquées et sont-elles si inquiétantes qu’on peut le croire en lisant les nombreux articles sur le sujet ? Zoom sur les points concernant la garantie des loyers.

Les nouveaux acteurs du cautionnement dans le viseur

Le député Mickaël Nogal semble assez peu apprécier les nouvelles assurances loyers impayés qui inversent les rôles entre propriétaires et locataires en faisant supporter le coût de l’assurance au locataire. Ces nouvelles garanties fleurissent depuis quelques mois, sur le principe du cautionnement. Le système n’est pas parfait mais plutôt astucieux. En effet, le propriétaire bailleur a le droit de demander au locataire de justifier de ses revenus en lui demandant de fournir ses derniers bulletins de salaire, son dernier avis d’impôt ou encore ses justificatifs d’aide au logement. En revanche il ne peut pas demander au locataire de présenter ses derniers relevés de compte. Et cela est un problème réel pour juger de la solvabilité du locataire : Deux personnes avec les mêmes revenus peuvent avoir des capacités très différentes pour assumer un loyer en fonction des charges qu’elles ont déjà, ne serait-ce qu’en termes de crédit ou de composition du foyer.

Les nouvelles solutions souscrites pas les locataires permettent à l’organisme qui va apporter sa caution au locataire de lui demander de fournir des 3 derniers relevés bancaires. Ainsi l’organisme a une idée plus précise de la solvabilité réelle du candidat et accepte en général un taux d’effort plus important que les assurances GLI traditionnelles.

L’inconvénient de ces solutions est principalement le fait qu’au renouvellement du bail, le renouvellement de la garantie n’est pas automatique. Si le locataire a eu des incidents importants de paiement, l’organisme refuse de prolonger la garantie. Ainsi, le bailleur peut se retrouver sans garantie avec un locataire potentiellement à risque puisqu’il a déjà été en situation d’impayé.

Le rapport Nogal craint lui une dérive qui consiste à transférer le coût de la garantie sur les locataires. Le rapport reconnaît toutefois que ces solutions ont le mérite de permettre à des personnes d’obtenir un logement sans avoir à « subir l’humiliation de demander la caution personnelle de proches« . Pour éviter la généralisation de ces garanties, Mickaël Nogal suggère de rendre les assurances GLI plus attractives.

La sécurisation systématique des loyers

Ce point est celui qui a fait le plus parler. Alors beaucoup de bruits pour pas grand chose ou vrai risque pour les deux tiers de propriétaires bailleurs français qui loue sans passer par une agence immobilière ?

Le rapport suggère que ce soit désormais l’agent immobilier qui garantisse le versement du loyer au propriétaire à la date convenue. Si le locataire est en retard de paiement ou même en impayé total, l’agent immobilier en assume la charge. L’agence immobilière souscrirait à une assurance qui la dédommagerait du montant des impayés qui dépasseraient 1% du montant total des loyers sous gestion de l’agence.

En clair, en fin d’année, l’agence établit un bilan des sommes versées aux propriétaires et le compare aux sommes réellement perçues des locataires. S’il y a eu des impayés, la différence sera forcément en défaveur de l’agence qui pourra être rembourser par l’assurance des sommes qui dépasse 1% du total des loyers quittancés par l’agence. Le rapport stipule qu’en rendant cette mesure obligatoire à tous les locataires, le coût de l’assurance pourrait être inférieur aux assurances GLI actuelles et s’établir aux environs de 1,5% des loyers (contre 2 à 3% pour les GLI).

Pourquoi ce raisonnement  ne nous paraît pas vraiment réaliste ?

Le rapport suggère que la sélection des locataires se ferait sous l’entière responsabilité de l’agence et non plus selon les critères jugés trop « drastiques » des assureurs GLI. Cependant, l’agent immobilier devenant redevable du paiement du loyer au propriétaire même en cas d’impayé du locataire, il y a fort à parier que les critères de choix des agents immobiliers seront bien plus drastiques que ceux demandés par les assureurs.

Interdiction des cautions solidaires physique

Certains commentaires s’alarment du fait que le rapport insinue l’interdiction de faire appel à une caution solidaire physique car cela pourrait être humiliant pour certains locataires. Cette mesure serait certainement néfaste pour les locataires qui ont un dossier fragile. Pour rappel, depuis la loi Boutin de 2009, il est déjà interdit pour un bailleur de cumuler une assurance GLI et une caution solidaire. Cette mesure censée favoriser les locataire, a au contraire exclu les locataires les plus fragiles qui pouvaient être éligibles à la GLI avec le concours d’une caution et qui ne le sont désormais plus. Résultat, les bailleurs qui auraient accepté leur candidature, la refuse désormais bien souvent faute de pouvoir souscrire une assurance loyer impayé.

Obligation de donner son bien locatif en gestion à un agent immobilier

Autre point décrié : l’obligation pour les bailleurs de mettre leur bien en gestion pour bénéficier de la garantie de leur loyer. Ce point est plus sujet à interprétation car le rapport ne dit pas vraiment cela mais comme cela est assez flou, toutes les interprétations sont possibles, y compris priver les bailleurs de leur liberté de gérer leur bien eux-mêmes. Le rapport fait le constat qu’à ce jour deux tiers des bailleurs gèrent leur bien seuls, sans recourir à un administrateur de bien. D’après le député, et on peut le penser à juste titre, si les bailleurs sont aussi nombreux à se passer des services d’un professionnel pour gérer leurs biens locatifs, c’est parce que le service rendu n’apporte pas une plus-value suffisante pour justifier les honoraires de gestion prélevés sur les loyers (5 à 8% en moyenne) sans compter les frais ponctuels notamment pour la recherche de locataires, la rédaction du bail, l’état des lieux… Et comme avec internet, de nombreuses plateformes permettent aujourd’hui aux propriétaires de trouver une aide pour des tarifs très largement inférieurs voir gratuitement, la tendance n’est pas prête de s’inverser.

Difficile de se prononcer, mais on pourrait penser que cette proposition a pour but de contraindre les propriétaires à ne plus gérer leur bien seuls. En effet, c’est ce qui se passerait si on les prive de la possibilité de garantir leur loyer individuellement en créant une plus-value artificielle de l’agent immobilier qui deviendrait le seul à pouvoir garantir un loyer. L’UNPI s’en est ouvertement inquiétée et la FNAIM a pris ses distances en expliquant que toute mesure favorisant la mise en valeur de la profession était la bienvenue mais que cela ne devait pas se faire sous la forme d’une contrainte.

Les risques d’un monopole de la gestion locative aux agents immobiliers

Tenter d’obliger les propriétaires bailleurs à confier la gestion locataire de leurs biens immobiliers à des administrateurs de biens n’est pas sans risque. En effet, certains propriétaires ont fait ce choix parfois pour des raisons économiques : le bien est souvent financé avec un crédit et amputer les loyers de 7 ou 8% et d’un mois de loyer à chaque changement de locataire, pourrait rompre l’équilibre financier et contraindre les propriétaires à vendre le bien. Et cela bien entendu pourrait décourager bon nombre d’investisseurs. Certains pourraient aussi être tentés de céder aux sirènes la location courte durée via des plateformes comme Airbnb et par conséquent réduire l’offre disponible pour les locataires. On devine que cela se ferait au détriment des locataires les plus fragiles.

De vrais constats mais pas de bonnes propositions

Encourager les professionnels de l’immobilier à augmenter le service rendu afin de convaincre plus de propriétaire d’y faire appel, oui. Mais pas par la contrainte ! Les outils pour aide les bailleurs évoluent et freiner ce progrès serait une aberration. C’est à la profession de prouver qu’elle a toute sa place en apportant une expertise et des services à vrais valeurs ajoutés.

Mettre fin à des contraintes aberrantes pour les assurances GLI

Comment expliquer et justifier qu’un assureur GLI qui va garantir un loyer de plusieurs centaines d’euros par mois, très souvent sans franchise et sans limite de durée ne peut pas demander au locataire ses trois derniers relevés de compte alors qu’un organisme de crédit à la consommation qui va financer 3000 euros pour financer une cuisine équipée ou un canapé le peut ? Une simple mesure permettant à l’assureur de vérifier la solvabilité du locataire comme le fait un organisme de crédit permettrait à l’assureur d’être beaucoup plus souple sur la situation professionnelle du locataire tout comme sur la possibilité d’adapter le taux d’effort maximum à la capacité réelle du locataire.

Si les critères des assureurs GLI sont aussi drastiques aujourd’hui, c’est parce qu’on leur demande de garantir plusieurs milliers d’euros alors même qu’on ne leur permet pas d’étudier précisément la situation financière du locataire. Si les critères des assureurs GLI sont aussi drastiques c’est parce que les personnes en situation professionnelle précaire ne peuvent pas bénéficier du cumul GLI / caution solidaire.

Ce qui rétablirait vraiment la confiance entre bailleurs et locataires

Quelques mesures de bon sens pourraient améliorer l’accès au logement pour des milliers de locataires.

  1. Il faudrait permettre, en l’encadrant, à l’assureur d’étudier les 3 derniers relevés bancaires pour qu’il puisse se forger une idée réelle de la solvabilité du locataire au delà de sa situation professionnelle et du montant de ses revenus.
  2. Rétablir la possibilité pour certains profils (chômeurs, CDD courts, taux d’effort important…) de cumuler l’assurance GLI et un garant.
  3. En parallèle renforcer le rôle de Visale sur les locataires très fragiles et dont la situation ne leur permet pas d’accéder aux critères d’une assurance loyer impayé classique : bénéficiaires de minimas sociaux, taux d’effort très élevé, locataire avec endettement élevé…

Les pouvoirs publics n’ont eu de cesse de taper sur les propriétaires bailleurs ces dernières années avec entre autres la hausse des prélèvements sociaux, la création de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) en oubliant leur rôle essentiel dans le logement en France avec plus de 6 millions de logements en location. Il serait enfin temps que le gouvernement prennent des mesures favorables pour respecter les droits des propriétaires privés tout en s’attaquant sérieusement au vrai problème des marchands de sommeil.

Julien Biscarat-Aymes

Co-fondateur de Jelouebien et responsable du contenu éditorial. Après plusieurs années passées en tant que Conseil en Gestion de Patrimoine Certifié (CGPC) au sein d'une grande compagnie d'assurance européenne, j'ai créé un cabinet indépendant avec Xavier Marchioni. Dès 2011, nous nous sommes spécialisés dans le domaine immobilier et avons décidé fin 2013 de rassembler nos connaissances pour les rendre accessibles au plus grand nombre en créant le site Jelouebien.com avec la volonté constante d'enrichir la base d'informations offertes aux utilisateurs du site.

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